Avec Eric Briones, autrement connu sous le nom de Darkplanneur, nous envisageons les enjeux du secteur du luxe en 2018 et les années à venir. Eric a écrit 3 livres dont 2 sur le luxe: « Génération Y et Luxe » ainsi que « Luxe & Digital« , il a eu l’occasion de faire de nombreuses conférences sur le sujet et surtout il est le directeur du planning stratégique chez Publicis et Nous, agence spécialisée sur le luxe. De mon côté, je travaille essentiellement avec des marques de beauté et de luxe donc j’attendais cette conversation avec impatience.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les marques de luxe sont vraiment challengées à l’ère digitale d’autant plus qu’elles ont mis du temps à y aller et qu’elles ont parfois pris le digital pour de simples effets de manche (comprenez effet RP) sans s’occuper des vraies problématiques structurantes comme la base de données, le CRM, les RP et la modification de l’ensemble des métiers, voire de l’offre.
Avec Eric nous abordons plusieurs problématiques, le rapport au temps, le rapport aux réseaux sociaux, le rapport des nouvelles générations avec le secteur du luxe. Bonne écoute !
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« Quality is the new black » pour les marques de luxe
Même si le discours ambiant est à dire que le luxe, c’est avant tout l’expérience, Eric affirme qu’il s’agit avant tout d’une question de qualité. De la qualité mais avec un supplément d’âme bien sûr pour qu’elle soit luxueuse. Comme il le souligne justement, le luxe c’est aussi un rapport au temps très différent, et alors que le digital accélère tout et que le style a pris le pas sur la qualité pour de nombreuses maisons, Eric est convaincu que l’on doit revenir à un respect des matières, un respect du travail à la main et que cela doit être expliqué pour être compris par les consommateurs.
Les réseaux sociaux et particulièrement Instagram ne permettent pas de montrer parfaitement cette idée de qualité puisqu’à l’inverse, ils sont de plus en plus dans l’instantanéité. Pourtant, selon Eric, il ne faut pas céder aux sirènes du « see now, buy now » qui était surtout un élément de communication dont les marques les plus vindicatives sont largement revenues. S’il y a une tyrannie du « tout tout de suite », le luxe doit résister et éduquer. Néanmoins, le luxe doit pouvoir répondre à cette tension avec une partie des produits ou des expériences bien sûr mais il doit surtout apporter de l’humain dans le digital. Finalement même si on reste sur ce principe d’expérience, alors l’attente doit faire partie de l’expérience car l’instantané tue le désir, ors, le luxe c’est avant tout vendre… Du désir !
Evidemment les marques de luxe n’ont pas le choix que de vendre de l’expérience et bien sur ces dernières s’y essayent déjà . On le voit en particulier chez LVMH que ce soit sur les vins (MH) ou chez Vuitton avec le voyage. Eric considère que le secteur du luxe a une énergie incroyable et est en pleine réinvention.
Et si Largerfeld était le problème de Chanel
Quand on pense à la qualité, on pense nécessairement à 2 maisons françaises dont évidemment Chanel (l’autre commence par un « H »….). Et pourtant, si la problématique était simplement celle de la qualité, alors Chanel ne devrait avoir aucun souci. D’ailleurs, Chanel communique particulièrement bien et maîtrise plusieurs aspects du digital, en particulier sur leurs contenus vidéo mais selon Eric, le problème est ailleurs. Pour lui, le souci se situe à l’origine, c’est à dire dans l’offre produit. En effet, Eric affirme que Karl Lagerfeld ne fait plus vendre et ne sait plus parler aux jeunes. La marque a-t-elle peur de se séparer de lui? Lui a qui su réinventer la marque à une époque justement…. Il est donc essentiel de rappeler que le produit reste plus que jamais central.
La guerre annoncée entre les Millennials et la Génération Z
Evidemment, au cours de ce podcast, on ne parle pas de « digital native » qui est un concept fumeux et ne veut strictement rien dire… Mais, on peut malgré tout envisager les générations et leurs différences. Si les Millennials ont un rapport de fascination aux choses, aux gens, aux marques (à  noter que les marques les plus fortes dans le luxe aujourd’hui, comme Gucci, sont les marques qui sont fortes chez les Millennials), les Gen Z ne sont pas du tout dans la même démarche.. Ils sont plus compliqués car ils envisagent l’utile, le bon, le bien. Ils sont presque dans une quête de vérité. Pour une partie d’entre eux, le luxe, c’est de la vacuité donc est par essence inutile. Ils sont plus engagés, ils n’aiment pas le luxe, ils sont beaucoup plus du côté des activistes, un peu comme les 68tards de l’époque. Et par ailleurs, les Z n’acceptent aucun classement donc se moquent de l’ordre établi des marques en place. Sans compter qu’ils veulent beaucoup moins posséder mais accéder et qu’aujourd’hui les marques n’ont majoritairement pas su prendre ce tournant. Quelque part, Eric considère qu’il va y avoir une guerre entre les 2 générations car ils sont très différents.
Ce qui se passe dans le secteur du luxe est passionnant à plusieurs égards et nous aurons l’occasion d’en rediscuter avec d’autres invités sur ce podcast en faisant des focus en particulier sur le CRM mais également les boutiques ou tout simplement la transformation de ces maisons. Il y a une telle tension entre le luxe et le digital en particulier en France puisque le luxe français n’est pas inclusif, que c’est peut-être dans ce secteur, que les choses les plus étonnantes devraient se passer finalement.
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