Quand on parle de pivot d’entreprise, on fait souvent référence à des structures agiles et donc plutôt des starts-up. Pourtant, quand on est à la tête d’une structure plus importante comme c’est le cas de Mappy qui regroupe 120 personnes et, en plus, appartient à un grand groupe, il n’est pas aussi facile de pivoter.
J’ai eu la chance de rencontrer Pascal Thomas qui dirige Mappy et de discuter avec lui de la manière dont il essaye de faire pivoter cette structure depuis 2 ans maintenant et de comprendre les implications d’une telle manoeuvre.
Quelle est la problématique que vous avez rencontré?
Clairement Google Maps est un concurrent direct pour Mappy et ce n’est pas simple d’y faire face.
Nous avons lancé Urbandive afin de donner une vue des espaces mais Google Street view s’est également imposé.
Nous avons rapidement décidé de conserver la marque Mappy et essayé de voir comment nous pourrions mutualiser les équipes au sein de la structure alors même qu’elles ne travaillaient pas de la même manière.
A ce stade, la problématique était d’avoir une vision claire et ferme pour construire l’avenir.
De notre coté nous avons décidé que le commerce local Vs le digital serait notre posture.
En 1 phrase: faire en sorte que le monde physique entre dans l’équation numérique du consommateur.
Mappy est un acteur digital bien sur mais génétiquement attaché au local, c’est donc la posture qui nous semblait être la plus pertinente pour nous car il est essentiel de conserver sa raison d’être, quelque soit le pivot.
Quelle est votre vision aujourd’hui?
Nous avons fait un partenariat avec une start-up afin d’aller plus loin et de filmer en 360° l’intérieur des boutiques.
Même si cela peut paraître étonnant, 67% des internautes que nous avons interrogé se disent intéressés pour voir l’intérieur d’une boutique.
Plus que les horaires, le téléphone et l’adresse, pour le commerçant, c’est une 1ère étape avant la mise en ligne de l’offre produits/services.
D’ailleurs, dans un second temps nous souhaiterions avoir accès à la liste des produits disponibles en magasin de telle sorte que si vous cherchez un produit d’une marque particulière dans une ville, vous puissiez savoir où l’acheter, très simplement.
Nous souhaitons donner de la visibilité sur le web pour générer des visites physiques.
Parallement à cela, nous avons fait un partenariat avec Ebay afin de créer une boutique virtuelle lorsque la boutique est fermée. Cela permet de réserver les produits puis d’aller les chercher au magasin. Cela s’inscrit totalement dans le Xcommerce qui est fortement plébiscité par les consommateurs.
De cette manière, nous envisageons également de supprimer la promotion papier ce qui représente un business de 3 à 5 millions d’Euros par an.
Pour les marques, nous allons être capable de leur donner une meilleure compréhension de la manière dont elles sont distribuées et vendues.
Quelle est l’utilité pour le consommateur?
Nous avons été élevé dans un monde de l’offre mais désormais nous évoluons dans un monde de la demande.
L’idée pour un consommateur n’est pas de venir dans une boutique, demander pour un produit spécifique et se voir redirigé vers autre chose parce que ce qu’il cherche n’est pas disponible.
En tant que consommateur, quand vous faites une recherche sur le web, vous avez besoin de savoir où trouver le dît produit.
A ce titre, les cartes géographiques peuvent se transformer en média et être fondamentalement enrichies sans pour autant perturber leur lecture.
Le monde du retail ne comprend pas nécessairement bien le digital, nous essayons d’être le pont entre les 2 en le faisant de manière massive tout en visitant chaque point de vente donc avec une vision très humaine.
Notre rôle est de fluidifier le parcours et d’ouvrir une alternative au monde de Google.
Qu’est ce que cela implique en terme d’organisation?
Clairement quand il y a une vision, les Hommes suivent, nous l’avons expérimenté.
Cependant, nous avons dû totalement modifier nos manières de travailler. Ainsi, l’ensemble des salariés (pas uniquement les équipes techniques) ont été formé à la méthode Agile et doivent dorénavant travailler sur des slots de 15 jours.
Pour ce faire, ils doivent, plus qu’avant, travailler ensemble et modifier leurs habitudes.
Cela nécessite une éducation permanente, beaucoup d’accompagnement et d’explications.
Nous nous sommes également réorganisés en fonction des priorités que nous avions fixé, en créant de nouveaux postes mais aussi en ayant une organisation Agile, c’est dire la capacité pour certains profils de totalement changer de métier et de passer de la technique au marketing par exemple. Ce dernier point est essentiel afin que les gens se parlent et se comprennent.
Nous avons également modifié la manière dont les bureaux étaient organisés jusqu’à déménager pour que tout le monde soit sur un même étage et pas sur 4 comme c’était le cas auparavant. Cela afin de faciliter les échanges encore une fois.
Au fur et à mesure nous avons vu les freins internes lâcher et les 1er détracteurs devenir les 1er promoteurs.
Où en êtes vous?
Aujourd’hui, Mappy est devenu leader en France sur la réflexion qui entoure le « web to store » (génération de trafic du web vers le magasin) alors qu’il y a 2 ans, on nous tenait pour mort.
Nous générons 7 millions de visiteurs par mois ce qui nous positionne au dessus de sites comme Groupon ou Carrefour et dans tous les cas, dans le top 50 des sites en France.
Nous restons donc un acteur puissant mais nous ne sommes qu’à mi course encore et nous souhaitons aller beaucoup plus loin en sortant de notre propre site en générant des cartes pour d’autres comme sur le site du Parisien par exemple.
Si vous ne deviez retenir qu’une chose de cette expérience?
Il faut conserver son cap pour amener son entreprise au changement. C’est l’élément indispensable que j’ai appris sur ce chemin.
Ce n’est pas facile tant avec les collaborateurs qu’avec le groupe mais c’est essentiel pour mener à bien cette mission.
Je retiens également que 2 ans est une période minimale pour mener à bien ce type de challenge.
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