Pendant de longues années, Facebook a été critiqué pour sa mauvaise appréhension du mobile, tant et si bien que l'annonce d'un Facebook Phone a fait courir les plus folles rumeurs.
Et voilà qu'hier ils ont enfin annoncé leur solution: ce n'est pas un téléphone, ce n'est pas un OS (Système Opératoire comme Android ou iOs) mais une couche sociale qu'il propose de rajouter à Android.
Globalement, il s'agit donc d'être connecté en permanence à Facebook:
1. Voir des photos de vos amis sur votre papier peint & écran de veille de portable
2. Chathead: pouvoir discuter à n'importe quel moment avec vos amis (sans jamais quitter l'application sur laquelle vous êtes éventuellement – ce qui est une innovation en soit).
3. Remplacer plusieurs applications natives comme l'appareil photo, l'app store ou encore les SMS
C'est une solution innovante et inattendue qu'il convient de regarder en détail pour mieux comprendre la manière dont ils se positionnent.
1. Contexte
1. Contexte stratégique
– Facebook ne peut pas se permettre d'être simplement une application dans l'écosystème de son plus grand concurrent (Google/Android) qui se trouve également être l'OS dominant.
– A part au Brésil ou en Indonésie, le temps de visite moyen sur Facebook est en chute et le désamour est largement entamé, en particulier auprès des plus jeunes.
– Les plus jeunes lâchent Facebook et sont attirés par des applications de chat purs du type Snapchat ou kik d'ailleurs, il a été question un moment du rachat de What's app par Facebook.
2. Contexte marché
– Les jeunes envoient énormément de SMS (1 800/mois pour un adolescent américain moyen)
– La photo est au centre des usages (le succès d'Instagram en est la meilleure preuve)
– Les utilisateurs de smartphones (un peu + de 50% des américains – iso en France) passent beaucoup de temps sur Facebook, dès qu'ils ont un temps mort – ce qui, en temps cumulé représente l'une des plus fortes activité sur smartphone (18% du temps passé).
– Le mobile n'a pas d'offres publicitaires satisfaisantes pour les annonceurs et pourtant c'est une manne monumentale puisqu'on sait désormais que les consommateurs utilisent plutôt les applis que le navigateur web (rapport de 80/20) mais aussi qu'ils vont plus utiliser leur mobile que leur PC dans les années à venir.
D'ailleurs, les investissements publicitaires mobiles même s'ils restent relativement faibles sont en croissance.
2. Enjeux
Même si Facebook annonce à cors et à cri que c'est une solution pensée pour mettre l'utilisateur au centre (parce qu'il met ses relations sociales au centre), c'est évidemment loin d'être le cas…
1. Dominer l'usage digital au niveau mondial
Facebook Home c'est d'abord mettre Facebook au centre de l'usage du digital (qui sera quasi exclusivement mobile demain) au niveau mondial. Avec cette innovation, vous vous réveillez, vivez et vous couchez avec Facebook qui (re)devient, par là même votre outil/Compagnon du quotidien.
Coté Business, à l'instar de ce que Facebook a essayé de faire avec les pages de marques Vs les sites, ce lancement implique aussi que pour les marques et les médias, avoir une application en propre aura beaucoup moins de sens.
2. Dominer le marché de la publicité
D'ailleurs, le fondateur du site ne s'en est pas caché (pas de pub maintenant mais je ne serai pas étonné qu'il y en ait) et cela est évidemment lié avec l'enjeu 1er.
Facebook a fait beaucoup d'annonces ces derniers temps pour optimiser la publicité, avec dernièrement des indicateurs de performance plus précis.
Alors évidemment, ça serait suicidaire de placer des publicités "xy" en lieu et place de votre papier peint (cela dit, de la part de Facebook, je m'attends à tout).
Non l'idée est beaucoup plus fine que ça évidemment.
D'abord, si Facebook Home fonctionne et que les gens, et en particulier les jeunes, s'échangent l'ensemble de leur messages et photos via ce système, les données alors collectées par Facebook seront colossales.
Mais surtout, en proposant aux utilisateurs d'être loggés en permanence sur Facebook qu'ils soient sur PC ou mobile, va permettre à ce dernier de répondre au rêve de nombreux marketers: pouvoir tracker d'un "device" à l'autre et à proposer des pubs ciblées, localisées et choisies.
Ainsi, comme le remarque Business insider, il sera possible (si l'utilisateur le choisi) de recevoir une pub/promotion d'un restaurant à coté de chez soi/de là ou je suis.
A noter qu'une étude récente note que Facebook devrait déjà récupérer 30% des publicités mobiles aux U.S. en 2013 (ce qui est beaucoup plus que sur le web).
3. Regagner le coeur des adolescents
Que ce soit à travers les usages proposé par Home ou par le prix du téléphone partenaire HTC (<$100) ou encore en donnant la part belle aux images en papier peint et économiseur d'écran, les jeunes sont très clairement la cible visée par Facebook.
4. Fragiliser Google/Android
En se rendant indispensable et en releguant au second plan (un peu plus) la recherche web sur mobile et même l'OS (Android donc) en lui même, l'objectif est évidemment de prendre une part très importante de la publicité et ainsi de fragiliser Google qui, pour mémoire, génère principalement du revenu à travers les achats de mots clefs (à noter que Google possède plus de 70% de la pub en ligne aujourd'hui).
5. Passer d'un endroit à un outil
J'ai souvent fait référence à cet élément:être un endroit à la mode implique de ne plus être à la mode à un moment donné.
C'est toute la différence avec un outil et c'est ce qui fait la force de Google mais aussi Twitter ou Linkedin – avant même d'être des endroits, ce sont des outils.
A travers le lancement de leur moteur de recherche social, le nouveau newsfeed (qui donne à Facebook une fonctionnalité de temps réel: écouter la même musique que vos amis, regarder les mêmes vidéos…) et désormais de cette couche sociale sur Android, Facebook se rapproche beaucoup plus d'un outil et consolide sa présence à long terme mais donne également l'assurance de maximiser les données utilisateurs et leur engagement.
Ces 2 derniers éléments étant ceux recherchés par les marques afin de faire des publicités toujours mieux ciblées.
3. Les enjeux pour les marques
Pour le moment en France, il n'y en a aucun puisque Facebook Home est lancé en test aux U.S..
C'est d'ailleurs étonnant qu'ils aient sélectionné leur marché original plutôt que le Brésil ou l'Indonésie qui ont un usage croissant de Facebook et du mobile (même si la pénétration des smartphones n'est pas si forte).
1. L'adoption
La 1ère question que l'on se pose au vu du dispositif de Home, c'est de savoir si beaucoup d'utilisateurs vont vouloir adopter cette couche sociale qui implique (nécessairement) d'être encore plus dérangé mais aussi de se retrouver avec des photos qui pourraient être délicates en écran de veille (il y a des tonnes de cas : professionnels ou amoureuses…).
Si Facebook avait lancé cela il y a quelques années, je n'ai nul doute que ça aurait été un franc succès mais les jeunes déclarent déjà vouloir passer moins de temps sur Facebook…reste à savoir si l'outil de chat que propose Facebook pourra les faire basculer de l'autre coté de la barrière…
Le choix n'est pas neutre, car choisir Facebook Home, c'est aussi décider de recevoir plus de publicités sur son téléphone à moyen terme…
2. La publicité ciblée
Evidemment, c'est l'attrait majeure pour les marques et l'application a été pensé principalement autour de cet aspect.
Si Facebook Home est adopté, ça sera, pour les marques, la caverne d'Ali Baba de la publicité ciblée et contextualisée sur mobile.
3. La dépendance à Facebook
Déjà je trouvais que les pages donnaient une dépendance fortes des marques à Facebook puisqu'une non maitrise de la base de données, une relation créée vantée mais toute relative pour la majorité des marques qui ont gagné des fans à coup de pubs et de promotion.
En simplifiant la publicité sur mobile, la dépendance à Home pourrait être encore plus grande.
Attention donc à bien construire votre stratégie et d'utiliser les outils pour ce qu'ils sont.
En conclusion
Le taux d'adoption va être particulièrement intéressant à suivre évidemment !
Personnellement, j'ai évidemment du mal à comprendre qu'on puisse choisir d'ajouter une surcouche à Android qui le rendra forcément plus lent et plus apte à planter, sans parler de permettre à une marque commerciale de vous proposer encore plus de publicité.
La réponse de Google/Android va également être intéressante à suivre car c'est la 1ère fois que Facebook va autant attaquer Google sur son propre terrain.
Comments