Stéphane Hugon est sociologue et est le fondateur du cabinet Eranos. Nous envisageons ensemble un outil qui ne nous quitte jamais: notre smartphone. Il y a eu en septembre cet article exceptionnel dans The Atlantic sur les smartphones et j’ai voulu en repartant de cet article reprendre avec Stéphane l’impact que ces derniers pouvaient avoir en particulier dans notre culture française.
En bon marketer, je pense que le numérique nous oblige à revenir aux fondamentaux des sciences humaines pour mieux comprendre comment et pourquoi nous agissons.
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Le smartphone accentue un retour de balancier naturel
Si les smartphones sont nos contemporains depuis un peu plus de 10 ans, il est important de repartir du lien entre les personnes et l’objet technique comme élément de médiation entre elles. Comme nous l’explique Stéphane, depuis les années 50, en occident, nous avons une quête très importante d’émancipation individuelle et d’autonomie. Ors, dans l’imaginaire collectif, l’objet technologique nous aide à ne pas subir l’altérité mais aussi à augmenter notre pouvoir sur notre environnement social. Dans ce même mouvement, nous avons eu d’ailleurs eu beaucoup de héros solitaires servis par l’industrie hollywoodienne. Toutefois, selon Stéphane Hugon, nous sommes arrivés à un point de saturation au milieu des années 90 car à force de pousser cette autonomie et de ne pas vouloir subir les autres, nous avons abouti à une peur du vide et de l’ennui. Finalement les lieux où l’on trouvait des éléments d’accomplissement de soi (la famille, le religieux, le travail, la politique et la vie publique) ont été largement chahuté dans cette quête. La conséquence a été un retour de balancier et donc une non-volonté d’échapper à tout ce que l’on fuyait auparavant. Selon Stéphane Hugon, c’est donc ce mouvement de balancier qui explique cette volonté presque maladive de recréer du lien social et donc de trouver sa tribu, sa sphère mais aussi de se recentrer. Aujourd’hui pour devenir quelqu’un, il faut prouver qu’on existe dans le regard de l’autre. D’ailleurs, Stéphane d’expliquer que le Selfie n’est pas vraiment un acte purement narcissique car il ne s’accomplit pleinement que s’il est partagé. C’est donc bien le regard de l’autre et son jugement qui sont essentiels et qui me permettent de devenir moi même. Il y a d’un coté une construction de soi et de l’autre un public de référence auquel on souhaite plaire.
Le smartphone est une promesse de l’autre mais….
Le smartphone est donc un outil qui permet de se connecter à l’autre avant tout mais en réalité, on le remarque, les jeunes n’ont jamais été aussi seuls. C’est donc une relation inaccomplie car techniquement le passage à l’acte n’advient presque jamais. Cela maintient donc l’adolescent dans une expérience qui est « en deçà de l’experience ». Cela remet en cause des questions aussi importante que : Qu’est-ce qu’un ami? Qu’est ce que le lien social? Qu’est ce qu’une relation? Ces liens digitalisés amènent finalement à des relations molles selon Stéphane Hugon. Toutefois, ce dernier affirme que cela reste une transition et reste convaincu que les technologies vont nous permettre demain de nous amener à des relations fortes et entières portées par un mouvement long d’un besoin de ré-enracinement avec notre environnement culturel, social et naturel.
Le smartphone ne peut et ne doit pas se substituer aux relations sociales
il est évidemment essentiel que les jeunes comprennent ces technologies, développent cette culture mais d’un autre coté ca ne doit pas isoler l’adolescent. Finalement quand on est en co-presence, c’est à dire dans une même salle mais chacun sur son téléphone, il existe selon Stéphane, un relation faible entre les participants. Il serait idiot d’interdire le smartphone mais il faut plutôt trouver des zones de porosité pour permettre aux ados d’être dans une fluidité entre la véritable relation sociale avec les humains qui l’entourent tout en se servant de son smartphone comme d’un outil de lien (pour montrer une vidéo ou une photo par exemple). On le voit d’ailleurs sur les tables de restaurant, le téléphone n’est pas nécessairement un obstacle à la communication mais plutôt un vecteur d’une illustration, finalement la conversation se fait à 3 quelque part.
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