La semaine dernière s’est tenue une conférence sur le luxe plutôt intéressante, avec en particulier la brillante intervention de Seth Godin. C’était la première fois que j’avais la chance de le voir sur scène et j’étais curieux de l’entendre sur un sujet dont il n’est absolument pas expert, à savoir le luxe. Ce que j’ai aimé dans son approche, c’est justement ce regard distant sur cette industrie, qui lui permet de toucher juste et de se concentrer sur l’essentiel.
Le Luxe? Des produits trop chers et trop bien finis
Sa manière de résumer l’industrie du luxe est intéressante: « des produits trop chers et trop bien finis mais qui permettent d’appartenir à une tribu ou de se créer un souvenir personnel». Pour revenir aux basiques, ce sont donc des personnes qui donnent de l’importance à certains détails « people who care » et qui se reconnaissent entre eux à travers un ensemble de signes extérieurs. Et quand il s’agit de s’intéresser à Internet, la réflexion est souvent mauvaise selon lui. Comme il l’explique la question ne doit pas être : « comment utiliser Internet afin d’améliorer ce que nous faisons déjà? » C’est en pensant de cette manière que la majorité des marques l’ont utilisé comme un média complémentaire. Cependant, l’utiliser uniquement de cette manière, c’est ne pas comprendre l’étendu des possibles. Il faut plutôt considérer Internet comme un tableau noir qui nécessite de tout réinventer. Alors bien sur, les resistants diront qu’avant Internet tout était mieux mais, Seth de rappeler que les « révolutions détruisent le parfait et révèlent l’impossible ». Ainsi, pour l’industrie de la musique, il semblait impossible d’apporter plus de musique à plus de monde et pourtant… Selon lui, l’industrie du luxe a tous les indicateurs pour être révolutionnée (« disrupted »).
« If you’re selling average products to average people, you’re over »
Son constat principal sur l’ère digitale, mais non spécifique à l’industrie du luxe est d’expliquer que la « ménagère de moins de 50 ans » a disparu. Dans ses mots « if you’re selling average products to average people, you are over ». La réalité est qu’Internet a ouvert les possibilités et devant un tel choix, les consommateurs se sont révélés plus singuliers qu’on ne le pensait. Comme il le précise, si la TV est un média de masse, il est facile de constater que la majorité des géants du web: Facebook, Zappos, Google, Amazon, Paypal se sont imposés sans la TV mais en connectant les individus…
Ce qui est intéressant avec l’industrie du luxe et si on prend suffisamment de distance sur ce business c’est que tout est centré sur la capacité de faire partie d’une tribu et par conséquent, plus le produit est cher, plus il va potentiellement bien se vendre. Même si les consommateurs de cette industrie se donnent bonne conscience quant aux matériaux, au savoir faire ou au design il s’agit principalement de montrer que ce sont des détails auxquels l’on porte de l’intérêt, que l’on peut se permettre ce genre de produits et donc d’intégrer une certaine tribu. Dans cette logique, n’importe quel produit peut être porté au rang de luxe tel une hache, une carte visa, un téléphone, un parapluie, des peluches, des écrans d’ordinateur….
Il faut raconter des histoires et connecter les individus
Alors évidemment, le plus grand challenge de l’industrie du luxe à l’ère digitale est que ce business s’est construit sur la rareté quand Internet est centré sur l’abondance. Sans doute l’un des débats les plus animés dans l’industrie depuis des décennies. A une époque où il n’a jamais été aussi facile de fabriquer des choses, la solution selon Seth Godin est qu’il ne faut pas uniquement se concentrer sur le savoir faire mais plutôt de raconter des histoires et de connecter les personnes qui partagent un certain nombres de valeurs communes.
Les personnes sont connectées et aiment malgré tout pouvoir s’identifier à leur tribu de référence, ce qui implique de les copier ou à minima d’agir par mimétisme. Harley Davidson est un parfait exemple de marque de luxe selon lui car ils arrivent à créer un sentiment d’appartenance, qu’ils le cultivent fortement par de nombreuses rencontres dans la vraie vie également. Mais les conférences TED également car il s’agit d’être présent à ce moment là avec d’autres qui s’intéressent suffisamment pour avoir débourser la somme mais surtout pour avoir fait le déplacement. Construire du lien implique de la confiance, de la permission, une forme de générosité mais aussi de la coordination bien sur. Il s’agit donc de rester concentrer sur une tranche de la population qui s’intéresse particulièrement à votre sujet et de les mettre en relation ces personnes. Une marque qui saura être un trait-d’union entre des consommateurs qui cherchent à se connecter gagnera le pari de l’ère digitale.
Alors bien entendu, comme il le rappelle, il est toujours trop tôt pour sauter et de prendre l’exemple de Gutenberg qui inventa l’imprimerie à une période ou 95% de la population ne savait pas lire. De la même manière il est impossible d’être prêt dans la mesure ou l’on apprend en marchant, il faut donc se lancer avant de se sentir prêt à le faire. Ce n’est pas précisément le fort des marques de luxe d’agir de cette manière mais ce qui laisse d’autant plus de champs à celles qui sauront relever ce défi.
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